Les participants ont évoqué certains éléments qui facilitent ou interfèrent avec la réalisation et la mise en œuvre des apprentissages, qu’il s’agisse des projets à venir ou d’apprentissages déjà effectués. Les chercheurs ont distingué les deux catégories suivantes :
Ces facilitateurs et ces obstacles peuvent se situer au niveau des caractéristiques personnelles et/ou environnementales :
Les chercheurs ont demandé aux participants quels facteurs pouvaient influencer la réalisation de leurs projets d’apprentissage. La figure 2 montre que les répondants mentionnent plus de facilitateurs (n occurrences = 157) que d’obstacles (n occurrences = 80). Par ailleurs, la dimension personnelle (n occurrences = 130) est plus fréquemment mentionnée que la dimension environnementale (n occurrences = 107). La plupart des participants évoquent l’influence de multiples facteurs pouvant faciliter ou entraver la réalisation de leurs projets. Le nombre ainsi que le type de facteurs mentionnés comme pouvant influencer les projets d’apprentissage ne varient pas en fonction du genre et de l’étiologie des participants. En ce qui concerne l’âge, les personnes plus âgées tendent à identifier moins de facilitateurs environnementaux en comparaison des jeunes et du groupe d’âge intermédiaire. Il n’y a par contre pas de différence en ce qui concerne les facilitateurs personnels et les obstacles qu’ils soient personnels ou environnementaux.
Les personnes interviewées identifient principalement des facteurs liés à leur motivation. Ainsi l’envie et le désir d’apprendre sont des moteurs pour plusieurs répondants (n occurrences = 48).
« J’ai très envie d’en savoir plus aussi là-dessus [les poissons], sur les chiens aussi, parce que moi j’adore les animaux. »
Certaines connaissances sont signalées comme particulièrement utiles par certains répondants (n occurrences = 9), comme par exemple « apprendre à faire des maths pour arriver à mieux bosser » ou encore « apprendre un nouveau métier pour pouvoir trouver un travail à l’extérieur », par exemple « un poste de travail pour moi pour gagner de l’argent, je gagnerais de l’argent pour moi, d’aller faire tout ce que veux avec mon argent quoi ».
Les caractéristiques psychologiques ainsi que les traits de caractère (n occurrences = 10) sont également cités par quelques participants comme facteurs pouvant influencer les projets d’apprentissage. Ainsi la capacité de mémorisation, savoir s’entrainer ou se débrouiller sont autant de caractéristiques jugées importantes :
« Ça réfléchit dans ma tête, la mémoire travaille, de plus en plus j’arrive, mais c’est pas facile. »
Un autre participant considère son handicap comme un atout pour réaliser son rêve :
« Puis moi j’ai toujours dit que moi j’avais un privilège c’est que moi je suis handicapé et qu’il y a très peu d’handicapés dans le monde… là je suis un des seuls au monde à bien manier une batterie, à bien faire de la musique qu’un handicapé. [...] Les gens cherchent quelque chose d’exceptionnel et moi je suis une exception. Tandis que si j’étais comme tout le monde, ben il y a des millions, des millions, des millions, des milliards, des trilliards de gens qui jouent mieux que moi et qui ne sont pas handicapés, donc là (il siffle). [...] Si je suis handicapé là, j’aurais peut-être des chances à aller plus loin, plus loin, plus loin, plus loin, plus. »
Pouvoir s’appuyer sur des connaissances scolaires et/ou éducatives préalables facilite certains apprentissages : connaître les bases, avoir réussi un stage, maîtriser l’utilisation de l’ordinateur ou encore comprendre quelques mots d’une langue étrangère sont autant d’atouts qui prédisposent favorablement à de nouveaux apprentissages.
Cependant, la motivation peut aussi constituer un frein aux apprentissages. Certaines personnes (n occurrences = 14) perçoivent les tâches exigeantes comme des obstacles qui les empêchent d’apprendre. Comme le soulignent ces deux participants : « Pour moi c’est un peu long », « c’est peut-être trop compliqué pour moi ». Le manque d’envie et de patience peut également être un frein à l’apprentissage (n occurrences = 7), une participante raconte les difficultés liées à son projet d’apprentissage de l’anglais :
« Ouais mais c’est pas facile, c’est compliqué le projet. C’est encore à réfléchir dans [la] tête. Mais des fois j’ai plus trop envie d’apprendre ça et des fois oui. »
Les caractéristiques personnelles sont également des obstacles fréquemment cités par les répondants. Les obstacles physiques comme par exemple un problème au cœur ou à l’épaule sont rapportés par trois participants. D’autres mentionnent la peur « de se tromper », « de faire faux » ou encore « de se blesser » qui interviennent comme des entraves à leurs apprentissages.
Deux personnes rapportent des difficultés liées à une grande fatigabilité, tandis qu’une personne fait état d’obstacles liés à des épisodes dépressifs. Un participant reconnaît simplement ses propres limites personnelles comme obstacles à son projet professionnel :
« Bon ce que je préférerais, c’est d’être à la vente, être au contact avec les gens mais étant donné mes difficultés de calcul et ma lenteur et ma vue c’est pas possible. »
Certaines faiblesses liées aux compétences scolaires et/ou éducatives sont également relevées. Ainsi, ne pas avoir appris à calculer, à lire ou manquer d’autonomie sont des freins à certains projets. Un participant raconte son désir de devenir pilote :
« Pour être pilote, ça c’est très très dur, ça il faut savoir calculer pour faire ça, savoir plein de choses. Moi je pourrais jamais, je pense moi. »
Les relations avec la communauté (variables du contexte social) sont majoritairement vues par les personnes avec une DI comme des facilitateurs à l’apprentissage. La présence de l’entourage que ce soit un membre de l’équipe éducative (n occurrences = 22), de la famille (n occurrences = 8) ou de manière plus générale « quelqu’un » (n occurrences = 6) est considéré comme une aide précieuse. De même connaître une structure qui propose des cours (n occurrences = 13) est rapporté par les répondants comme étant un facilitateur. A ce sujet, un participant raconte :
« On reçoit des livres et puis dessus il y a plusieurs thèmes, on choisit ce qui nous intéresse et après on nous convoque pour les faire. »
Les de l’entourage facilitent également l’accès à l’apprentissage. Ainsi l’accord et le soutien de l’équipe éducative (n occurrences = 5) ou des membres de la famille (n occurrences = 3) sont des atouts. Une participante raconte :
« On en parlait l’autre jour, je [ne] me rappelle plus quand mais on a parlé de tout ça avec François et puis Anaïs, ma référente et puis moi. On était les quatre ensemble pour discuter de mon projet d’avenir et puis on verra comment on va faire. Donc ouais, ça c’est des choses pour plus tard en fait. »
Certains facilitateurs de l’environnement physique sont également cités. Pouvoir accéder à un matériel adapté constitue un appui utile. Par exemple posséder un ordinateur, avoir un livre en lien avec le projet d’apprentissage ou encore avoir une machine à calculer avec de gros chiffres peuvent remplir ce rôle décisif. Les personnes interrogées n’ont identifié aucun facilitateur de nature financière et/ou économique.
Les répondants évoquent aussi des obstacles dans l’environnement. Les barrières sociales se réfèrent principalement à l’absence d’un membre de l’entourage pour soutenir l’apprentissage. Les participants rapportent par exemple les obstacles suivants : le manque de disponibilité des éducateurs, des changements récurrents au sein de l’équipe éducative ou encore l’absence de leur éducateur-référent. Un participant raconte :
« Compter l’argent, j’arrive pas encore mais. Y’a personne pour m’expliquer. »
Concernant les obstacles attitudinaux, les participants mentionnent les désaccords de l’entourage au sujet des contenus d’apprentissage. Une participante parlant de sa mère raconte :
« Pour moi c’est difficile, pour moi elle [ne me] prend pas comme une adulte. Là elle [me] prend comme un enfant je veux dire. »
Le contexte physique est source d’obstacles, parmi ceux-ci le manque ou l’inadéquation du matériel. Ainsi le manque d’ordinateurs, des appareils trop compliqués, des livres « écrits trop petits » sont autant de freins à l’apprentissage. Cinq personnes relèvent des freins économiques comme par exemple les coûts des formations ou de manière plus générale le manque de moyens.
« J’ai pas la possibilité d’apprendre à utiliser Internet parce que j’ai pas d’ordinateur. J’en voudrais bien un mais j’ai pas les finances pour payer un ordinateur. »
Les facteurs personnels comme la motivation, l’envie et le désir sont déterminants pour la mise en œuvre des projets d’apprentissage. Le bon fonctionnement des processus cognitifs comme par exemple, la mémoire, est également reconnu par les participants comme des facteurs facilitant les apprentissages. De même, pouvoir s’appuyer sur un certain nombre de connaissances scolaires préalables constitue un réel atout. Certains facteurs environnementaux, par exemple l’aide de l’équipe éducative ou de la famille, sont également considérés comme des facilitateurs. Avoir accès à du matériel adapté comme un ordinateur, des livres ou encore une machine à calculer est perçu comme pouvant faciliter la mise en œuvre du projet d’apprentissage.
Les obstacles personnels pouvant entraver les projets d’apprentissage sont liés à la santé physique ou mentale comme la fatigue ou certaines peurs. Les participants craignent que leur manque de compétences en lecture, écriture ou calcul constitue un frein à certains de leurs projets. Selon eux, les obstacles pourraient aussi relever de barrières sociales : l’absence de soutien, de disponibilité de l’entourage ou les changements au sein des équipes éducatives sont mentionnés plusieurs fois. La complexité du contexte physique ainsi que les contraintes économiques constituent également des obstacles.
Lorsqu’ils se projettent dans leurs projets d’apprentissage, les personnes avec une DI anticipent certaines variables pouvant faciliter ou entraver la réalisation de ces derniers. Les facilitateurs restent plus fréquemment perçus que les obstacles. On peut interpréter ces résultats comme un signe supplémentaire de leur disposition à l’égard des apprentissages, qui peut être qualifiée de favorable et réaliste.