Prof. Dr. PETITPIERRE Geneviève Département de Pédagogie Spécialisée Université de Fribourg
Prof. Dr. GREMAUD Germaine Filière travail social HETS&SA – EESP
TESSARI VEYRE Aline Département de Pédagogie Spécialisée Université de Fribourg HETS&SA – EESP
BRUNI Ivo Département de Pédagogie Spécialisée Université de Fribourg
Consentements et aspects éthiques.
Le droit de prendre part à une recherche et d’en décider de façon libre est éclairée fait partie des droits fondamentaux de l’individu. Donner à une personne le droit de faire entendre sa voix est un droit reconnu comme essentiel, rappelle le Conseil de l’Europe. Pour la personne ayant une déficience intellectuelle, il s’agit d’une reconnaissance du droit de vivre « ce qu’elle est » à part entière et sans discrimination. La démarche se veut autant éthique que politique. Pour les personnes handicapées, ce droit participe à la construction de leur identité. Il sert de trait d’union sur le plan social. Pour les chercheurs, il les incite à envisager des rapports moins asymétriques avec leur public-cible. Aussi, le recueil du consentement doit être réalisé en suivant des règles bien précises, afin que l’interviewé puisse prendre une décision éclairée.
La sélection des participants.
La sélection des participants pour l’échantillonnage s’est déroulée en plusieurs étapes. Les institutions partenaires ont d’abord identifié les personnes susceptibles de participer à la recherche sur la base de critères prédéfinis : l’âge, les causes et origine de la déficience intellectuelle, l’activité professionnelle et, enfin, les aptitudes conversationnelles.
Les représentants légaux des personnes sélectionnées ont ensuite été contactés par écrit par les établissements pour donner leur accord à une éventuelle participation de leur fils, fille ou pupille. Parmi ces derniers, ceux qui avaient reçu l’aval de leur représentant légal ont été invités à une séance d’information. Ils ont pu prendre connaissance des buts et modalités de la recherche, ainsi que des attentes des chercheurs quant à leur contribution. Ils ont alors eu le choix de signifier leur accord par un formulaire de consentement.
Les chercheurs ont, pour leur part, effectué la sélection finale des participants après vérification des aptitudes conversationnelles et de la capacité à se situer dans le temps (lire ci-dessous)
Evaluation du langage et de la temporalité.
Une fois les consentements recueillis, les chercheurs ont mené un ou deux entretiens individuels avec toutes les personnes ayant exprimé leur accord. Ils n’ont cependant pas analysé le contenu de celui-ci lorsque ce dernier ne parvenait pas à se situer correctement dans le temps. Cette compétence était évaluée à l’aide d’une épreuve de « ligne du temps sur l’échelle de la vie ». De même que lorsque le participant avait un niveau de compréhension du vocabulaire en dessous de 5,5 ans. Une fois assurés de ces deux facteurs, les chercheurs ont alors procédé à l’analyse de l’entretien proprement dite.
Le dispositif appelé « ligne du temps » a été utilisé pour identifier si l’interviewé était à même de revenir en arrière sur ses expériences passées, de décrire son quotidien, ou de se projeter dans le futur (être apprenant quand il sera plus âgé). L’épreuve supposait que l’interviewé place, sur une échelle graduée de 1 à 80 ans, des figurines individuelles caractéristiques d’un groupe d’âge donné (jeune, adulte, personne âgée) ainsi que des pictogrammes représentant ces mêmes groupes. Le participant devait les placer sur la ligne du temps les uns par rapport aux autres, les nommer, les catégoriser et identifier leur activité principale (« qui va à l’école ? » ; « et ceux-ci, ils font quoi , quelle est leur activité, dans la vie ? »).
Afin de mieux cerner l’échantillon, et pour pouvoir contrôler un éventuel effet de leur part, l’équipe de recherche a pris en compte les caractéristiques sociodémographiques suivantes :
type de scolarité
lieu d’habitation
fréquence du soutien éducatif
type d’activité professionnelle.
L’appétence des personnes adultes ayant une trisomie 21 ou une déficience intellectuelle pour l’apprentissage est intimement liée à l’expérience d’intégration et d’interaction dans un cadre social. Les caractéristiques ci-dessus font toutes références à une telle expérience et sont à mettre en rapport avec les questions de base de la recherche. Tous les participants sont par exemple actifs en atelier protégé. On constate dans cette recherche que s’adonner à une activité professionnelle ouvre des perspectives d’apprentissage supplémentaire ce qui devrait aussi témoigner d’une participation sociale accrue.
Nombre et caractéristiques des participants.
Les chercheurs ont tenté de vérifier l’influence de certains facteurs susceptibles d’agir sur le rapport que les participants entretiennent avec l’apprentissage.
Ils ont notamment analysé l’effet de l’âge. Pour cela, ils ont comparé le point de vue de jeunes adultes à celui de personnes d’âge mûr et à celui de personnes plus âgées.
Certaines personnes avec une déficience intellectuelle étant sujettes à un vieillissement précoce, l’effet de l’âge -s’il y en a un - devrait aussi être présent, lorsque l’on compare les personnes ayant une trisomie 21 aux autres personnes avec une déficience intellectuelle, car les premières sont plus exposées à un telle forme de vieillissement.
L’entretien.
Participer à un entretien de recherche constitue une expérience peu habituelle pour les personnes avec une trisomie 21 ou avec une déficience intellectuelle. L’appel à la participation et le recueil du consentement, tels que pratiqués dans cette recherche, facilitent la prise de contact et le déroulement de l’entretien. L’interviewé est ainsi enclin à prendre plus rapidement des initiatives dans l’échange. En effet, il se trouve dans l’expectative de la rencontre et fait preuve de disponibilité. Pour cette recherche, l’intervieweur a pris toutes les précautions d’usage pour que la participation des personnes interrogées ne se fasse pas au détriment d’une démarche intègre et rigoureuse. En particulier, les chercheurs ont été attentifs à ce que leurs questions ne véhiculent pas de suggestions, ni ne laissent transparaître leurs attentes, ce qui aurait alors biaisé les résultats de l’étude. Ils ont pris soin de mettre à l’aise le participant. Adopter un comportement simple et neutre, réaliser les échanges dans un cadre connu et familier ou s’engager dans des rituels sociaux (partager une tasse de thé ou rencontrer les autres résidents du groupe), sont autant de manière de manifester son intérêt pour l’interviewé, de le mettre en confiance et de favoriser un parler vrai. Si le participant le souhaitait, elle pouvait se faire accompagner d’une personne de son choix. Les questions de recentration et de relance ont été privilégiées (entretien semi-directif) et les questions fermées évitées, afin de rebondir sur les propos et de soutenir la narration.