Perspectives.
Malgré les sérieuses difficultés qu’elles rencontrent dans plusieurs grandes fonctions cognitives et malgré un parcours scolaire souvent laborieux, les personnes adultes avec une déficience intellectuelle expriment pour la plupart un intérêt marqué pour l’acquisition de nouvelles connaissances. Leur intérêt pour l’apprentissage n’est pas émoussé. Elles le perçoivent comme un moyen leur permettant d’évoluer dans la vie et de mieux comprendre ce qui les entoure. Elles sont d’avis qu’apprendre permet de changer, de se transformer, de s’améliorer, de découvrir de nouvelles opportunités, de faire l’expérience de portes qui s’ouvrent et de projets qui peuvent se réaliser.
Leur intérêt pour l’éducation et la formation est principalement motivé par le désir de s’épanouir et de se perfectionner sur les plans personnel et social. Les raisons professionnelles et civiques apparaissent au deuxième plan, ce qui contraste avec ce que l’on sait des motifs de formation et d’apprentissage chez les personnes typiques. Conscientes du fait que leur bagage scolaire antérieur ne les prépare pas suffisamment à faire face aux situations qu’elles rencontrent, elles envisagent plusieurs projets. Ceux-ci concernent toutes sortes de thèmes et répondent à des besoins variés.
La procédure d’apprentissage qu’elles mentionnent est principalement informelle et consécutive à des opportunités incidentes. La plupart des personnes apprend à travers les activités quotidiennes, le travail et les loisirs. Bien qu’elle ne figure pas au premier plan, l’éducation formelle, est présente à travers notamment la participation à des cours de formation continue. Son accès reste cependant encore difficile ce qui implique, dans le futur, de continuer à réfléchir à la manière de réduire les barrières limitant l’accès à ce type d’offre. Les autres voies d’apprentissage, comme l’éducation à distance ou encore l’e-learning ne font pas partie de l’expérience usuelle, même si elles seraient susceptibles de faciliter l’accès à certaines ressources. De façon générale, et compte tenu de ce qui précède, la possibilité de faire valoir sous une forme certificative les apprentissages réalisés est rarement rapportée.
L’autoformation occupe une très grande place. Elle est le reflet de la motivation à apprendre et de la capacité des personnes à identifier leurs besoins, à formuler des projets et à gérer leur engagement. Cette dynamique constitue cependant un socle fragile, car l’accès et la mise en œuvre de l’apprentissage dépendent des opportunités offertes, entre autres de la capacité de l’environnement à être un environnement « apprenant », de l’attitude adoptée par l’entourage à l’égard des aspirations exprimées, de la disponibilité des soutiens qui reposent surtout sur le bon vouloir des proches.
Les savoirs élémentaires, lire, écrire ou encore compter, développés à l’école avec plus ou moins de plaisir continuent à être régulièrement mobilisés à l’âge adulte. On note que ces connaissances ne permettent cependant qu’une emprise très relative sur le monde, en raison du décalage entre le niveau de compétences que les personnes ont réussi à atteindre et l’exigence des tâches qui se posent aux adultes. Ainsi, la plupart des individus mobilisent ce qu’ils ont appris à l’école mais le font dans des activités dont les contenus sont rarement en accord avec leur âge chronologique. C’est le cas par exemple des aptitudes de lecture mobilisées sur de la prose principalement enfantine. Un important défi des années à venir consistera donc à créer une littérature capable de rencontrer leurs intérêts d’adultes.
Que leur regard se porte en avant, sur les projets d’apprentissages auxquelles elles aspirent, ou en arrière, sur ceux qu’elles ont pu réaliser, les personnes interviewées évoquent différents facteurs ayant une influence sur l’apprentissage. Pour elles, comme pour le spécialiste Manuel London, l’apprentissage est à la fois une affaire de responsabilité personnelle et organisationnelle. Elles mentionnent donc le rôle de la motivation, de la personnalité ou encore les vicissitudes de la déficience intellectuelle tout en évoquant aussi l’influence fondamentale du soutien social et des conditions matérielles.
On constate qu’il leur est plus facile d’identifier les facteurs qui ont influencé les apprentissages déjà réalisés que d’anticiper ceux qui pourraient peser sur les projets qu’elles souhaitent entreprendre. Les premiers sont deux à trois fois plus nombreux à être mentionnés que les seconds. Les tendances sont toutefois semblables. Les facteurs personnels sont plus souvent cités comme des obstacles alors que les facteurs environnementaux sont davantage mentionnés comme des facilitateurs. De façon générale, les facteurs qui facilitent l’apprentissage sont plus souvent évoqués que ceux qui l’empêchent et les facteurs de l’environnement plus fré- quemment mentionnés que les facteurs personnels.
En conclusion, l’ensemble de ces constats montrent que les personnes adultes avec une déficience intellectuelle manifestent pour la plupart une disposition positive et une confiance dans la possibilité d’apprendre tout au long de la vie. Elles le font sans nier le défi que représente l’apprentissage, conscientes de leurs compétences et de leurs limites personnelles ainsi que de l’importance du soutien en provenance de l’extérieur. Ni l’âge, ni le genre, ni encore l’étiologie, n’influencent les positions qu’elles expriment.
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